Assasins Creed, Jeux vidéos, Médiation Culturelle, Culture Populaire

Nicolas Patin et Assassin’s Creed : partage de sciences

Nicolas Patin transmet des connaissances à travers les jeux vidéos

 

À la rencontre de Nicolas Patin qui utilise les jeux vidéos pour transmettre des connaissances.

Assasins Creed, Jeux vidéos, Médiation Culturelle, Culture Populaire

© Pixabay.

Il y a quelques temps, nous avions discuté ensemble de l’intérêt que pouvaient avoir les jeux vidéos comme supports de médiation culturelle (les sciences faisant partie de la culture). Si vous voulez retrouver cette discussion, l’article est ici !

Pour tout vous dire, j’ai eu cette idée de dossier après avoir rencontré Nicolas Patin. Cet historien spécialiste des deux Guerres Mondiales, et notamment du nazisme (pour l’anecdote, il participe à l’édition critique de Mein Kampf en français) est maitre de conférence à l’Université Bordeaux Montaigne. Je l’ai vu pour la première fois à Cap Sciences lorsqu’il est venu faire une séance de jeu vidéo commentée pour la Nuit Européenne des Chercheurs 2018. J’ai ainsi été scotchée par tout ce qu’on pouvait apprendre avec des jeux tels que Assassin’s Creed…

Je n’ai pas oublié cette découverte et j’ai donc absolument tenu à rencontrer Nicolas Patin, pas si geek que cela, mais puits de savoirs et d’échanges passionnants ! Et, toujours pareil, n’étant pas égoïste, je vous livre nos échanges (enfin, un résumé, parce que c’était riche)…

 

D’un Ciné Club à des jeux vidéos commentés : genèse d’un projet de médiation culturelle

Nicolas Patin, un geek invétéré ?

Il est vrai qu’à première vue, je me suis dit que Nicolas devait forcément faire partie de la catégorie des « geeks » qui ne voient jamais la lumière du jour, pour arriver à un tel niveau de maîtrise… Eh bien en fait, pas du tout ! Au contraire, il ne se considère pas comme un « gamer ». Enfant, il n’avait même pas de consoles, en revanche, il y avait une très bonne borne d’arcades dans son village. Ses parents n’étaient pas vraiment pour les jeux vidéos et encourageaient plutôt la lecture.

Finalement, même encore aujourd’hui me souffle-t-il (mais c’est encore à vérifier), les instants de jeux vidéos sont surtout des moments de transgression, voire de régression, entre amis. Par contre, une chose qui colle très bien avec son ambition d’utiliser les jeux vidéos comme supports de médiation, c’est son profil de joueur. Nicolas est avant tout un « découvreur », un « baladeur » qui part explorer les mondes et les cartes. Pour preuve, sur World of Warcraft, il était simple pêcheur et ne se battait pas…

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© Flickr.

 

La transmission des savoirs se cache dans de nombreux jeux vidéos…

Mais alors, si Nicolas n’est pas le « geek » que l’on croit, comment a bien pu lui venir cette idée ? Tout a commencé en 2008-2009. Notre historien a voulu monter un ciné-club avec des étudiants de banlieue (réputés « difficiles »). Ils ont ainsi choisi plusieurs films d’histoire et, pour faire taire les clichés, ce ciné-club a très bien fonctionné car il a mené à de nombreuses discussions très intéressantes !

Fort de ce premier succès, Nicolas a voulu pousser l’expérience un peu plus loin en proposant des séances de jeux vidéos historiques commentées. Le premier choix fut Battlefield 1 sur Playstation, qui a permis de réaliser une analyse historique et de discuter de la Première Guerre Mondiale. Puis, avec un doctorant, José-Luis de Miras, ils montent des projets de « game studies » et proposent des « balades » commentées. La première édition est une réussite et rassemble près de 120 personnes, alors qu’elle a lieu un lundi après-midi !

Son terrain de jeu suivant n’est rien d’autre que le jeu GTA. J’avoue que j’étais assez dubitative, ne voyant pas vraiment ce que ce jeu pouvait bien apporter… Eh bien, si tout comme moi vous êtes perplexe, sachez que ce jeu peut amener des discussions sur sa propre création, mais aussi sur l’histoire économique et culturelle de l’époque pendant lequel il a lieu. L’intérêt de l’étudier est l’analyse que l’on peut faire d’un produit culturel à part entière. Certes, il n’est pas vraiment réaliste, mais du coup que peut-il nous apprendre sur la réalité ? Une première chose : les représentations qu’ont les créateurs lorsqu’ils créent leur univers et leurs personnages.

Par exemple, dans GTA Vice City et Vice City Stories, nous sommes dans une ville fictive (ressemblant à Miami) où sévit, notamment, un gang mexicain. Nicolas Patin a ainsi invité un spécialiste de la migration cubaine pour qu’il vienne discuter avec les étudiants de la condition de ces immigrés, jeu vidéo à l’appui !

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© Wikipédia.

 

… Pour atteindre son apogée avec la saga des Assassin’s Creed ?

Une fois les sujets épuisés avec GTA, qu’à cela tienne, Nicolas passe à Assassin’s Creed ! N’allez pas croire que notre historien passe son temps à jouer, en réalité ces séances commentées demandent des préparatifs. Il faut faire le plan des balades dans le jeu, faire venir des spécialistes du jeu, mais aussi (et surtout ?) de l’époque ! Un des schémas qui peut être suivi par Nicolas et ses intervenants lors de ces séances est le suivant : 10 minutes de présentation du projet, puis une balade intuitive pour poser tout un tas de questions « naïves » et finalement finir avec des problématiques de plus en plus poussées.

Et là-encore, avec ce jeu, de nombreuses réflexions peuvent être amenées, qui sont souvent très poussées grâce à l’implication d’experts invités. Par exemple, avec Assassin’s Creed Odyssey, il est possible de s’interroger sur les représentations de Sparte et d’Athènes. Aujourd’hui, les Spartiates sont, dans notre imaginaire, à l’image du film 300. Alors d’où vient ce mythe ? De bons supports pour déconstruire les clichés…

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© Pixabay.

Nicolas choisit les jeux en fonction des spécialistes disponibles pour venir les commenter, mais aussi en fonction de leur popularité. Cette dernière est essentielle pour intégrer le plus de publics possibles à ces séances. Les projets sont également réfléchis pour qu’ils n’attirent pas uniquement les garçons (ou plutôt ne repoussent pas les filles). Et jusqu’à présent, ils convainquent 45% de filles !

 

En quoi les jeux vidéos sont-ils des supports de médiation culturelle pertinents pour Nicolas Patin ?

Si mon précédent article ne vous a pas convaincus, Nicolas Patin y parviendra peut-être… Dans un premier temps, les étudiants adorent ce support ! Il leur permet d’apprendre de façon ludique et ils se sentent légitimes. C’est une forme culturelle quasiment majoritaire auprès des étudiants.

Le choix des jeux vidéos historiques n’est pas anodin, au contraire ! En effet, une enquête auprès d’eux à montrer que sur 100 étudiants, 60% jouent au moins 1 fois par semaine et 85% jouent à des jeux historiques. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle ils s’inscrivent dans un cursus d’histoire. lls ont découvert Assassin’s Creed ! Cependant, les séances doivent amener du contenu. Si elles étaient seulement « fun », les étudiants ne viendraient pas. Ils veulent apprendre, discuter et commenter !

Le jeux vidéos d’aujourd’hui sont aussi bons, réfléchis et bien faits que les films historiques. Ils déclenchent des passions, mais aussi des vocations… Saviez-vous que l’épisode d’Assassin’s Creed Origins avait réuni près de 200 historiens ? Pour Nicolas, si dans 5 ans il y a encore des étudiants en histoire, ce sera grâce à aux jeux vidéos… Ces séances ont aussi pour objectif d’aider à la professionnalisation des étudiants en histoire. Une façon de leur montrer qu’il y a d’autres métiers que l’enseignement. Au contraire, ils peuvent se mettre au service des entreprises (telles que Ubisoft), devenir consultants historiques et donc apporter un œil critique…

Quant au grand public, les jeux vidéos sont pour eux « un appât » pour les attirer et aider à la vulgarisation. Ils permettent de créer des liens entre les générations : avec les plus jeunes qui expliquent le jeu aux plus anciens.

 

Utiliser les jeux vidéos pour transmettre des connaissances : un projet qui plaît énormément

Vous l’aurez compris, ce projet de jeux vidéos commentés marche très bien. Tellement bien, qu’aujourd’hui il échappe presque totalement à Nicolas. En réalité, c’est une explosion ! Donc, forcément, le projet évolue et mène à de nouvelles aventures…

Tout d’abord, cela se traduit par un partenariat avec le cinéma Jean Eustache à Pessac (en région bordelaise). L’établissement, malgré quelques questions sur la notion de jeu vidéo comme art à part entière, s’est beaucoup investi. Et, après avoir vu une séance commentée du jeu Redemption, il a été complètement convaincu ! Cette année, ce sera donc une nouvelle édition avec un jeu vidéo sur la peste…

Les plus jeunes ne sont pas oubliés avec la mise en place d’un nouveau projet dans un lycée technique de Saint-André-de-Cubzac. Tout est à faire et il faut trouver comment lier la technologie et l’histoire (le jeu vidéo est tout trouvé !).

La Bibliothèque Nationale de France emboîte également le pas à ces projets. Vous aussi, soyez convaincus et retrouvez quelques exemples avec les vidéos commentées suivantes :

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© Pixabay.

 

Et pour vous ? Les jeux vidéos sont-ils pertinents pour transmettre les connaissances ?

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3 commentaires

  1. great,thanks

  2. It is nice topic. Thank you.

  3. merci pour partage

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